Ces peuples de la forêt se soignent gratuitement en grande majorité avec les feuilles, écorces et autres fruits des arbres. Mais en vingt ans, près de la moitié de leurs forêts a disparu.
Episode 1 Au Cameroun, les Pygmées misent sur l’école « pour sauver » leurs forêts de la destruction
« Tous ceux qui viennent ici trouvent une solution à leur mal, sourit l’homme âgé de 57 ans. Ça fait des siècles que nous guérissons les malades dans ma famille. La médecine traditionnelle se transmet de génération en génération chez les peuples autochtones de la forêt. »
Jean Biyiha n’utilise « pas de comprimés, aucun traitement moderne ». Ses médicaments se trouvent en forêt. « C’est mon hôpital, mon laboratoire, ma pharmacie », décrit-il. Feuilles, sèves, écorces, tiges, racines, fruits… les arbres n’ont plus de secrets pour « Docta ». Selon la maladie, il mélange, écrase, grille, brûle au feu de bois ou bout les ingrédients.

Mais, depuis quelques années, le travail du tradipraticien s’est compliqué. « Avant, je trouvais tous les produits dont j’avais besoin à dix kilomètres au plus. Ce n’est plus le cas. Tout est en train de disparaître », s’inquiète-t-il. Aujourd’hui, Jean Biyiha doit parcourir des distances de plus en plus longues et rester parfois plusieurs jours à la recherche de la feuille ou de l’écorce des arbres tels le bubinga ou le moabi.
« Arbre miracle »
Au Cameroun, du fait de la déforestation, la plupart des communautés autochtones qui dépendent de la forêt pour se soigner font face à la raréfaction, sinon à la disparition, de certaines essences. Entre 2001 et 2020, le pays a perdu 717 000 hectares de forêts primaires humides, soit 47 % de sa perte totale de couverture forestière au cours de la même période, d’après Global Forest watch.
Dans les villages, les centres de santé sont le plus souvent inexistants ou trop éloignés. Lorsqu’un habitant tombe malade, le premier médicament reste presque toujours la plante. Quand des complications surviennent, les populations se tournent vers le tradipraticien, vénéré dans ces zones.
Les guérisseurs pygmées sont également très appréciés des autres Camerounais qui, depuis l’étranger, parcourent parfois des milliers de kilomètres pour les rencontrer. « Les Pygmées sont restés en osmose avec la nature. Ce serait un tort de leur demander de se moderniser. Mieux vaudrait comprendre ce qu’ils y puisent pour être en pareille santé. Ce peuple est à admirer et à copier », défend François Bingono Bingono, anthropologue et porte-parole des tradithérapeutes du Cameroun et d’Afrique centrale.
Des études ont permis d’inventorier plus de 500 espèces de plantes utiles à la pharmacopée traditionnelle, permettant « ainsi la prise en charge de nombreuses pathologies », note le docteur Thierry Simo Kenmogne, pharmacien et ethnopharmacologue, dans le Bulletin de médecine traditionnelle d’août 2020 du ministère de la santé publique.